Archives / Documents / Nouvelle biographie de Joseph Dubar par son frère Georges - Mars 2007
Joseph DUBAR (Histoire d'un grand Résistant)
Né dans une famille modeste, le 30 décembre 1899, à Roubaix, il avait des origines flamandes du côté maternel.
Déjà pendant la 1ère Guerre Mondiale, cet adolescent, doué pour la chimie et l'électricité qu'il étudie seul, avec l'aide de bouquins appropriés, fabrique, en cachette, dans le grenier de ses grands parents, de l'explosif avec de la potasse qu'il arrive encore à se procurer.
Il fait sauter des pylônes de liaisons électriques et téléphoniques du P.C. allemand, dans le quartier résidentiel du Parc Barbieux.
Bloqué par l'occupation allemande, il envisage de s'engager dans l'Armée Française en 1916/1917, en partant vers la Hollande (non occupée) pour regagner ensuite la France Sud toujours libre.
Ingénieux, il s'habille en paysan, de gros sabot aux pieds, une bêche sur l'épaule, et traverse sans encombre, toute la Belgique , sans se faire interpeller. Les allemands gardent très sévèrement la frontière hollandaise, mis en échec, il doit rebrousser chemin et revenir à pieds à Roubaix, ses pieds ensanglantés et en piteux état.
La guerre finie, il effectue son service militaire (classe 19) au 21ème Régiment de Dragons à Auxerre, puis à Mérignac pour terminer à Paris.
Il se marie en 1924 avec Laure Hennion, nièce de J.B. Lebas, le ménage n'aura pas d'enfant.
Contremaître en ébénisterie, il s'installe à son compte jusqu'à la crise de 1930. Il ouvre ensuite avec son épouse spécialisée en bonneterie un atelier en 1937/38, qui fonctionnera jusqu'au moment, où, il sera mobilisé, dans le Génie et affecté aux ponts fluviaux de Croix et Wasquehal, qu'il fera sauter en 1940.
Il échappe à la captivité, se remet en civil et débute aussitôt son activité de « Résistant ».
La première urgence sera d'aider les soldats anglais chez l'habitant, de repartir vers le Sud, puis l'Espagne pour regagner leur patrie.
Mis en contact avec les premiers résistants belges, il se charge d'évacuer l'Etat-major de l'aviation Belge, qu'il mènera jusqu'à Marseille.
Il prendra en charge de nombreux évadés militaires et gens recherchés, qu'il conduira jusqu'aux Pyrénées, en attendant que les Réseaux d'Evacuation se mettent en place.
C'est avec l'argent propre du ménage qu'il accomplira tous ces déplacements en attendant le moment, où, « l'Intelligence Service » lui octroya les premiers subsides.
Au début de 1941, Jules Correntin, dit « Léon », le mit en contact avec le Réseau belge « Zéro », grâce à ces deux hommes, à Paul Joly et à d'autres Français de la même trempe, Lille-Roubaix-Tourcoing devinrent une plaque tournante des Réseaux belges et de la Résistance franco-belge. Il s'était identifié sous le nom de « Jean du Nord » ou « Jean de Roubaix », il en était le principal animateur.
A partir de là 3000 Français groupés autour de lui et de ses camarades belges constitueront à travers la France, des réseaux d'évasion et de renseignement, des filières de courrier, des centres d'opérations pour le parachutage, d'enlèvement aérien des courriers et l'atterrissage clandestin des « Lizzies » (avion du type « Lysander »).
Ces Français avaient choisi avec une admirable amitié de servir dans des formations belges qui, souvent, n'auraient pu se développer sur le territoire français et qui étaient indispensables à nos liaisons avec la Grande-Bretagne .
A la suite, Joseph Dubar sera le fondateur du nouveau Réseau « Ali-France » qui fonctionnera jusqu'à la Libération.
A son actif, « Ali-France » aura, d'après les contrôles officiels, 700 hommes militaires, ou civils français, belges et britanniques, convoyés vers la zone libre ou l'Espagne. Sur ces 700 évadés officiellement contrôlés, 3% seulement ne sont pas arrivés à Londres.
De juillet 1940 à juillet 1943, le nombre des courriers de renseignement pris en charge par « Jean du Nord » est de 104, ce qui représente plusieurs milliers de documents dont un bon nombre avaient une grande importance militaire.
Churchill a écrit dans ses « Mémoires » que, durant la bataille du Radar (1941) 80% des renseignements venus des services établis en territoire occupé, furent fournis par les Réseaux belges. La plus grande partie de ce courrier passa par les mains de « Jean du Nord », de « Léon de Tourcoing » et de leurs compagnons.
Dès 1941, la police allemande traque « Jean du Nord », dont elle met la tête à prix. Elle arrête Mme Joseph Dubar , son oncle J.B. Lebas, député-maire de Roubaix, et le fils de celui-ci, ils perdront tous la vie dans les camps de concentration.
« Jean du Nord » défie l'ennemi et le danger, par une activité prodigieuse et incessante. Il va, il vient avec des hommes, des courriers, du matériel parachuté, de Roubaix à la Somme , dont il force la ligne, de la Somme à La Haye Descartes , où il passe la 2ème ligne de démarcation.
Un jour, il est à Tournai ou à Bruxelles, un autre jour, on le retrouve à Paris, à Charleville, à Chalon Sur Saône, à Lyon ou aux Pyrénées.
Il voyage en train, mais il fait aussi des raids considérables à vélo, lorsqu'il lui faut récupérer du matériel parachuté.
C'est lui qui « réceptionne » presque tous les « Jean de la lune », les agents belges et leur matériel parachutés en France. En juillet 1943, il totalise 21 missions de cette sorte, pas un homme, ni un poste émetteur n'a été perdu.
Avec ses camarades belges, Chefs de réseaux en France et sous le commandement de « WALTER », il participe à l'évacuation de condamnés à mort évadés, d'agents « brûlés » et de personnalités politiques belges qui gagnent le monde libre.
En décembre 1943, à la demande pressante du commandement belge, il accepte de partir, par avion, en « Grande-Bretagne », mais il n'y consent qu'à la condition d'être renvoyé, peu après, « sur le terrain ».
Durant quatre mois, il subit un entraînement spécial pour une mission nouvelle des plus importantes.
Un mois avant le débarquement de Normandie, il reprend contact avec la terre de France, où ses camarades ont subi une série de coups très durs.
Il monte en Touraine, un nouveau service de « mail pick-up » (enlèvement aérien du courrier) et de réception des parachutages, un centre d'antennes et de liaisons avec Paris, le Nord et la Belgique. Il organise avec succès les renseignements sur les bases de fusées, les fameux « V1 », qui du Nord de la France (Eperlecques) sont lancés sur l'Angleterre.
Il coordonne l'évacuation des courriers et termine ses exploits en participant activement à la libération de sa ville natale, en septembre 1944.
Il a lutté à fond dans cette Résistance, sa réussite tient aux deux qualités essentielles qu'il possédait (plus la chance évidemment) :
Un très bonne mémoire, surtout visuelle, aucun document compromettant en sa possession lors des contrôles. Quant il passait une seule fois dans un lieu, il avait repéré tous les moindres détails, ceux-ci étaient enregistrés intacts, dans sa tête.
Un grand flegme, il ne montrait aucun trouble dans les moments difficiles, lorsqu'il franchissait les diverses zones de passage, il ne s'énervait pas et savait resté passif.
Il lui a fallu également, une excellente santé pour supporter durant quatre années, cette vie extrêmement mouvementée et dangereuse.
Conclusion :
La guerre terminée il a repris son activité de bonnetier, je le secondais à l'époque. En 1948, il s'est remarié avec René Lodewyck, veuve de L. Derégnancourt, mort en déportation. Il eut un fils Jean Dubar, né en 1948.
Il devint Chef de travaux au C.I.L., en 1949 et décéda en novembre 1960, à 61 ans, d'un cancer foudroyant en 2 mois de temps.
Un peu après, la Ville de Roubaix baptisa dans les nouveaux des « Hauts-Champs », une rue à son nom, pour perpétuer sa mémoire.
C'est au grade de Lieutenant-colonel qu'il terminera la guerre, pour la France.
Quant à la Belgique , elle le portera au grade de Major A.R.A.. Il reçu entre autre les distinctions suivants :
Officier de la Légion d'Honneur,
La Croix de Guerre,
La Médaille de la Résistance,
La Médaille de Combattant Volontaire de la Résistance 39/45,
Commandeur de la Couronne de Belgique avec Palme,
La Médaille commémorative 39/45 avec éclair,
La Médaille « Freedom » avec Palme
Et enfin il est titulaire du « Distinguished Service Order » (Grande-Bretagne) qui n'est pratiquement jamais attribué à un étranger.
Beaucoup de récompenses méritées qu'il n'aimait pas exhiber, il était resté trop modeste. A la libération, il s'est efforcé de témoigner et d'appuyer les demandes d'obtention de ce que l'Etat pouvait accorder à ses collaborateurs.
Sinistré, il n'a jamais reçu ses propres dommages de Guerre. Il a fini le conflit plus pauvre qu'au départ, contrairement à ceux qui en avaient profité durant toute l'occupation.
Georges Dubar - Mars 2007 -