Joseph Dubar, une figure Roubaisienne

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Biographie de Joseph DUBAR

Alias « Jean de Roubaix » ou « Jean du nord » durant la seconde Guerre 1939-1945.

Ce document a été rédigé à l'intention de Mr Etienne VERHOEYEN Historien belge –Chercheur associé au Centre de Recherches et d'études Historiques de la Seconde Guerre mondiale (Bruxelles).

Joseph DUBAR est né à ROUBAIX, le 30 décembre 1899, d'une famille très modeste. Nous avons des origines flamandes du côté de notre mère, nos grands-parents –Famille DESMET-LAMBRECHT étaient nés respectivement à ARDOOIE et RUISELEDE (Belgique).

            Après des études primaires normales, très fort en dessin, il débute professionnellement dans la fabrication du tissu, nous sommes dans un grand centre textile. Sa carrière est rapidement stoppée à la déclaration de guerre en 1914.

            Il a un goût particulier pour la chimie et l'électricité, il achète des livres, étudie ces deux matières qui lui permettent à 15 ans, seul, de fabriquer ses premiers explosifs.

            Il n'a pas d'argent, il fabrique alors des lacets en achetant ou en récupérant, dans les usines fermées, de la corde à broche, qu'il teint, les munit d'embouts en fer confectionnés avec la récupération de vieilles boîtes de conserve.

            Avec peu d'argent, il achète de la potasse, beaucoup de potasse, ce qui lui permet un jour de faire sauter un énorme pylône supportant toutes les liaisons téléphoniques d'un P.C. allemand, dans le quartier résidentiel du Parc Barbieux à Roubaix.

            Toujours motivé par son patriotisme, et bien qu'adolescent, il arrive à injecter de l'acide, au moyen d'une seringue, par le trou de serrure d'un gros relais téléphonique réservé à l'occupant. De gros dégâts, les câbles électriques sont grillés.

            Enfin, au cours de l'année 1916 ou 1917, il part à pied, une bêche sur l'épaule, des sabots aux pieds, pour ressembler à un paysan, à travers toute la Belgique vers la frontière hollandaise, avec l'intention de regagner ensuite la France non-occupée, afin de pouvoir s'engager dans l'armée. Il échoue, la frontière est trop surveillée, il revient à Roubaix, toujours à pieds, ces derniers ensanglanté et en piteux état.

            La paix arrive, il fait son service militaire (Classe 19) au 21 e Régiment de Dragons à Auxonne, puis à Mérignac (Bordeaux) pour terminer à Paris.

            Il se marie en 1924 avec Laure HENNION, nièce de J.B. LEBAS, le ménage n'aura pas d'enfant.

            Contremaître ébéniste, il s'installe à son compte, mais il y a la dure crise des années 30. Avec son épouse spécialisée en bonneterie, il ouvre un petit atelier, vers les années 1937/38, qui fonctionnera jusqu'au moment où il sera mobilisé au début de l'année 1940.

            Affecté dans le Génie, il a fait sauter tous les ponts fluviaux situés à Croix et à Wasquehal, en Mai-Juin 1940, puis il se remet en civil, et aussitôt débute son activité de Résistant.

            Ce que je puis affirmer, c'est que les premiers mois de cette nouvelle activité, il l'a fait avec l'argent du ménage, payé les dépenses consécutives au convoyage des évadés militaires, souvent jusqu'à Marseille. Ce n'est qu'après que quelques subsides lui furent accordés, je ne sais par qui, afin qu'il puisse poursuivre cette action. La suite, vous en avez connaissance.

            Je pense que sa réussite tient aux deux qualités essentielles qu'il possédait (plus la chance évidemment)

1) Une très bonne mémoire, surtout visuelle, aucun document compromettant en sa possession, lors des contrôles. Quant il passait une seule fois dans un lieu, il avait repéré tous les moindres détails, ceux-ci étaient enregistrés intacts.

2) Un grand flegme, il ne montrait jamais aucun trouble dans les moments difficiles, lorsqu'il franchissait les diverses zones de passage, enfin il ne s'énervait pas et savait resté passif.

Il lui a fallu également une excellente santé pour supporter durant quatre années, cette vie extrêmement mouvementée.

                        Sans vouloir abuser dans la longueur de ce récit, il me faut narrer les quelques faits suivants, très marquants, qu'il a bien voulu nous raconter après la Libération.

(a) – Il avait en location à Paris, un petit studio qui lui servait surtout de boîte aux lettres. Est-ce par suite de dénonciation ? Trois ou quatre membres de la Gestapo investissent son logement et l'occupent durant trois jours. Sans résultat, ils le quittent le 4 e jour, et pas une heure après leur départ, la concierge voit arriver mon frère. Toute blême, elle lui fait signe de s'enfuir au plus vite, ne sachant pas si un des allemands n'est pas resté dans les lieux. Ne l'écoutant pas, il monte dans l'appartement, celui-ci était vide, l'air irrespirable par l'odeur du tabac et de la bière consommée pendant leur séjour.

(b) – Une nuit de Novembre 1943, profitant d'un raid des bombardiers alliés sur St Nazaire, un petit coucou anglais piloté par une élite de l'aviation, non armé, avait pour mission de venir atterrir sur un terrain proche de Niort (Deux Sèvres). Bien que banalisé, le pilote s'est posé trop loin du terrain, et s'est embourbé dans une prairie marécageuse.

Devant l'impossibilité de décoller vers l'Angleterre, mon frère s'est orienté vers une ferme la plus proche, et avec le concours de deux bœufs, le fermier a essayé de les sortir de ce pétrin.

            Nouvel échec, il a fallu se résigner à mettre le feu à l'avion. Il fallait alors fuir rapidement, ce feu avait dû donner l'alarme aux Allemands.

            Le lendemain, ces derniers arrivent au petit matin, arrêtent comme prévu le brave paysan, mais sur le conseil de mon frère, il avait imaginé de dire aux Allemands, que c'est par contrainte, que deux hommes armés, l'avaient forcé à sortir ses bœufs en pleine nuit pour les aider à sortir l'avion de ce bourbier, les traces des sabots des bêtes sur le sol trempé donnaient une vérité irréfutable à cette version. Finalement ils lâchèrent ce paysan.

            Mais l'alarme était donnée, tout le Département des Deux Sèvres consigné routes, chemin de fer, la Gestapo devinait le très grand intérêt à arrêter les fugitifs. Le pilote anglais et mon frère se sont cachés pendant un mois, après un apaisement, ils sont partis tous deux d'un autre terrain vers l'Angleterre, serrés côte à côte, sur le siège arrière d'un autre coucou biplaces.

            Inutile de décrire l'accueil triomphant qu'ils ont reçu en atterrissant sur le sol anglais. Nous étions en Décembre 1943, nous les intimes, écoutions depuis un mois, chaque soir, les messages personnels de la B.B.C. qui devait annoncer, en cas de succès de l'opération « CARMEN est un chef-d'œuvre de Bizet ».

            Après avoir suivi une formation spéciale en vue du prochain débarquement prévu en Normandie, il fut de retour en France, en mai 1944, un mois avant le jour « J » - toujours par atterrissage au sol, les anglais ne voulant pas risquer le parachutage de mon frère.

(c) – Vers les derniers moments de l'occupation, après le Débarquement allié, le trafic des Chemins de Fer était complètement bloqué avec tous les raids alliés, mon frère effectuait alors tous ses déplacements en vélo :

- Tours ----- Paris ----- Roubaix – (dans les deux sens).

            Un jour, nous a-t-il raconté, pendant l'heure du midi, alors qu'il remontait, toujours en vélo, vers le Nord, il fut stoppé par un barrage allemand placé en bas de la fameuse côte de Doullens (Somme).

            Le sentinelle, était seul, fait assez rare quand même, il était âgé ce vieil allemand mobilisé alors que le Reich recrutait tous les homes jeunes ou vieux encore disponibles.

            Il fait descendre mon frère de sa bicyclette, et aperçoit un matériel enveloppé dans une toile de jute assez ajourée, fixé sur le porte-bagages avant, après avoir consulté ses papiers, faux évidemment, il insista pour lui montrer ce fameux colis qui l'intriguait (c'était un poste émetteur avec une carcasse en alu). Mon frère feint ne pas comprendre, il enfourcha son vélo, et avec une force surhumaine, grimpa la rude côte, près à échapper dans la nature, si l'allemand donnait l'alerte.

            Aucune réaction de l'allemand, mon frère a toujours pensé que ce dernier, lassé de la Guerre finissant bientôt, et bien que soupçonnant avoir affaire à un terroriste armé, mais tenant terminer en vie.

            Conclusion, la guerre terminée, il a repris son activité de bonnetier, je le secondai à l'époque. En 1948, il s'est remarié avec Renée LODEWYCK, veuve DEREGNAUCOURT mort en Déportation, elle avait trois filles de son premier mariage.

            De ce remariage, naquit un fils Jean DUBAR, en décembre 1948.

            En 1949, il abandonna la bonneterie, et entra au C.I.L. de Roubaix-Tourcoing, comme Chef de travaux, c'était l'âge d'or du Bâtiment, il fallait reconstruire le pays.

            Décédé en Novembre 1960, à 61 ans, d'un cancer qui l'a emporté en deux mois, lui qui n'avait jamais été malade, très sobre, il ne fumait pas, et consommait très peu d'alcool.

            Ses funérailles furent émouvantes, et l'on donna par la suite son nom à une rue de ROUBAIX.

            Trop modeste, il n'aimait pas les honneurs, bien que de nombreuses décorations lui furent décernées. Contrairement à certains de ses compatriotes, la Guerre ne l'avait pas enrichi, bien au contraire !!!

            Il n'a pas pu profiter d'une retraite pourtant bien méritée, et n'a jamais reçu aucune pension pour son passé de grand résistant.

            Il a été impitoyable pour donner caution aux faux résistants demandeurs ou pour ceux qui avaient pratiqué le double jeu, et avaient rallié la Résistance, tout à la fin.

G. DUBAR – 1991 –

 

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