Joseph Dubar, une figure Roubaisienne

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Il avait espionné le bunker pour les alliés

Grâce à M. René Fonson , qui vient de mourir, on a pu neutraliser à temps le blockhaus d'Eperlecques. Son action a retardé l'envoi des premiers V2 sur Londres.

M. René Fonson , qui habitait 290-5, rue Dominique Larrey à Hem, est décédé à son domicile, samedi. Il avait 67 ans. Ses funérailles civiles ont lieu ce mercredi à 15h30 au crématorium de Wattrelos.

            En septembre dernier, au moment du 40 e anniversaire de la Libération, nous avions eu l'occasion d'interviewer M. Fonson . A l'époque, il avait, en effet, accepté de nous raconter un fait de résistance tout à fait exceptionnel qu'il avait accompli sur les ordres du fameux Joseph Dubar, dont il était un ami d'enfance.

            C'est lui, en effet, qui s'est fait embaucher sur le chantier de construction du blockhaus d'Eperlecques, destiné à lancer des V2 sur l'Angleterre, pour y prendre des photos.

René Fonson a 25 ans en 1943. Depuis toujours, il connaît Joseph Dubar. Lui, l'ami de la famille, entre tout naturellement dans le réseau Ali-France, la filière créée par J. Dubar pour faire passer les agents envoyés de Londres et qui allaient de Bruxelles en Espagne.

            René Fonson était chargé de mission et chef de secteur de ce réseau. Il avait loué une maison rue Ma-Campagne , où il habitait seul pour éviter que sa famille puisse être inquiétées.

            Un jour, Joseph Dubar lui demande d'aller à Eperlecques, où les Allemands sont en train de construire un formidable ouvrage en béton, destiné à recevoir des rampes de lancement de V2. René Fonson se fait embaucher comme manœuvre. Pendant les trois mois de juin, juillet et août 1943, il travaillera sur le site à côté de milliers de condamnés de droit commun et de déportés de différents pays. Sa mission : regarder, écouter et rapporter.

            Joseph Dubar lui confie aussi deux appareils : un télémètre, dont il ne se servira pas, et un appareil photo. Le chef du réseau ne pouvait pas se rendre lui-même à Eperlecques, car sa tête avait été mise à prix un million de francs belges (environ 25000 Euros).

            René Fonson était un ouvrier « libre ». Il partait pour la semaine à Eperlecques, logeant la nuit à Hazebrouck, et rentrait à Roubaix, le vendredi soir. Le samedi matin, il rendait compte à son chef. C'est la deuxième semaine que J. Dubar lui donna l'appareil photo, un Leica 35.

            «  Je l'ai mis dans une berlouffe , dans laquelle j'avais pratiqué deux trous, l'un pour l'objectif, l'autre pour le viseur. Je l'ai entré sur le chantier en le mettant dans le fond d'une poche de pantalon. La fouille était sommaire  », nous racontait-il en septembre dernier.

Il tremblait sur ses jambes

            Pendant trois mois, René Fonson trimbalera son appareil photo au fond de sa poche, attendant qu'il y ait quelque chose d'intéressant à photographier. «  L'occasion s'est présentée le jeudi 19 août 1943. Une trentaine de personnes tenaient une sorte de conférence sur le chantier, à quelques mètres de l'endroit où je me trouvais. Et sur un chevalet, un plan de l'ouvrage en construction avait été installé  ».

            Il a fallu à René Fonson un sang-froid extraordinaire pour faire une seule et unique photo, dont l'importance fut capitale, comme l'a montré la suite des événements. Il a mis une poutre en bois sur son épaule gauche, a pris l'appareil de sa poche et l'a levé jusqu'à son œil droit. Clic-clac ! La photo faite, René Fonson tremblait sur ses jambes.

            Le samedi qui a suivi J. Dubar prenait possession de l'appareil photo. Et le 27 août, Eperlecques était bombardé et en grande partie détruit. La photo et le témoignage de René Fonson avaient convaincu les Alliés que la construction de l'ouvrage touchait à sa fin et qu'il était temps d'agir.

Article Jean Piat

Journal Nord-Eclair du 13 Mars 1985

 

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