Joseph Dubar, une figure Roubaisienne

Archives / Articles de journaux / Georges Dubar : "Mon frère ce héros" - Journal Nord-Eclair du 4 Septembre 2004

Georges Dubar, petit frère de Joseph, célèbre résistant roubaisien

« Mon frère, ce héros »

La commémoration de la libération de Roubaix fait remonter à la surface bien de souvenirs. Georges Dubar, lui, se rappelle avec une admiration sans borne de son grand frère, Joseph, l'un des plus célèbres résistants roubaisiens. Et il livre quelques anecdotes méconnues sur le héros.

Il y a sans doute une chose que tous les historiens de la Résistance ignore : Joseph Dubar, plus connu durant la seconde guerre mondiale sous le nom de « Jean de Roubaix », a sauvé la vie d'un Alle­mand. C'était le 2 septembre 1944, jour de la libération de Roubaix. Son petit frère Georges raconte rarement cette anecdote...

La scène se passe boulevard du Général Leclerc. Un sol­dat allemand s'est retranché sur le toit d'un petit atelier de nickelage aujourd'hui dis­paru. La foule s'est rassem­blée, elle crie vengeance. Apeuré, l'Allemand tire quel­ques rafales. C'est alors que Joseph Dubar décide de grimper sur le toit. Le soldat reste interdit. Ne raconte­-t-on pas que les Français ne font pas de prisonnier ? Fina­lement, l'Allemand se rend. Il faut dire qu'il souffre hor­riblement d'une plaie ouverte à la jambe.

Joseph Dubar n'aidera pas son prisonnier à descendre. Mais quand la foule a voulu le lyncher, il s'y est opposé : un prisonnier est un prison­nier...

Pourtant, à entendre le récit que Georges Dubar fait de la vie de son grand frère, le grand héros de la Résistance ne portait pas les Allemands dans son coeur. Né en 1899, son premier regret est de ne pas avoir été en âge de com­battre en 1914. Alors il étu­die la chimie, il apprend à fa­briquer des explosifs. Pour s'acheter de la potasse, il se lance dans la vente de lacets. Ce qui lui permet de com­mettre son premier sabo­tage : il fait sauter un pylône qui supportait toutes les liaisons téléphoniques d'un PC allemand au parc de Barbieux.

Périple à travers la Belgique

Mais ça ne lui suffit pas, il veut en découdre. « En 1916 ou 1917, il est parti avec des sabots aux pieds et une bêche à l'épaule pour se faire passer pour un pay­san , raconte Georges Dubar. Il a réussi comme ça à tra­verser toute la Belgique, mais il n'a pas réussi à tra­verser la frontière hollan­daise. » Obligé de rebrous­ser chemin, il rentre à Rou­baix les pieds en sang.

Retour à la vie civile. Après la guerre, il devient ébéniste et épouse Laure Hennion , la nièce de jean Lebas. En 1938, le petit couple se lance dans la bonneterie. Quand la deuxième guerre mondiale éclate, il a 40 ans et l'armée semble vouloir se passer de ses services. « Il est allé voir l'intendant à Lomme pour lui dire qu'il ne supportait pas de ne pas être mobilisé », affirme Georges. « Je ne veux pas être un planqué », aurait dit Joseph Dubar.

II obtient gain de cause, mais la France de Pétain rend rapidement les armes. Contraint de retourner à la vie civile en juin 1940, Jo­seph Dubar entre immédiate­ment dans la Résistance.

Georges, à cette époque, est un jeune homme d'à peine 20 ans. Tout comme sa mère, il soupçonne les activi­tés de l'aîné de la famille. Moins téméraire que lui, il aide sa belle-soeur à l'atelier de bonneterie. Jusqu'au 21 mai 1941... « Quand je suis retourné à l'atelier après le déjeuner, j'ai ap­pris que ma belle-soeur avait été arrêtée.  » Comme Jean-Lebas et son fils Ray­mond. A quelques minutes près, Georges aurait lui aussi été déporté. Avec un nom comme Dubar...

Car son grand frère est parti­culièrement recherché par les Allemands. « Il avait à Paris un petit studio qui lui servait surtout de boite aux lettres. Un jour où il devait y passer, il a vu la concierge blêmir. Elle l'a prévenu que des membres de la Gestapo avaient occupé son studio durant trois jours et elle ne savait pas s'ils étaient tous repartis. Mais mon frère est monté quand même... »

Toujours armé, Joseph Du­bar n'aurait pas hésité à tirer ce jour-là, mais il n'y avait plus personne dans l'appar­tement. « Jean de Roubaix » a toujours eu de la chance. Comme lorsqu'il a fallu ve­nir le chercher dans les Deux-Sèvres pour le con­duire jusqu'en Angleterre : le premier avion qui devait accomplir cette mission s'est embourbée et il a fallu y mettre le feu ; les Alle­mands ont donc été alertés et le département a été bou­clé durant un mois.

Après un séjour à Londres, pour préparer le Débarque­ment Joseph Dubar était donc à Roubaix le jour de la libération de la ville. Mais il lui manquait sa femme, Laure, morte à Bergen-Bel­sen en avril 1945, après avoir survécu à nombre de camps de concentration.

Après la guerre, Joseph Du­bar a fui les honneurs. Il s'est remarié avec une veuve de déportée, il a repris son activité de bonnetier puis est devenu chef dés travaux au CIL de, Roubaix. Il est mort d'un cancer en 1960, sans avoir eu le temps de profiter de sa retraite.

Youenn Martin

Journal Nord-Eclair du 4 Septembre 2004

 

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